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L’ILLUSTRE MAURIN

rochers, déjà brûlants du soleil des jours, éclataient.

Parfois l’incendie semblait mourir sur un large espace. Tous les arbres subitement y paraissaient éteints. Le noir s’y faisait lentement sur le sol… Tout à coup, une pomme de pin, demeurée rouge comme un lumignon au faîte d’une haute branche, se renflammait, s’ouvrait, donnant passage aux essences dont elle était gonflée, éclatait, et, lancée par un coup de vent, s’envolait comme une bombe, montait en l’air, décrivant dans les ténèbres de l’espace une longue et fulgurante parabole… Toute flamboyante enfin, elle venait, bien au delà du champ d’incendie, allumer encore dans les broussailles desséchées un foyer inattendu.

Alors, sous le treillis obscur de ces broussailles, on voyait les flammes soudaines courir en serpents et chercher des proies nouvelles. Puis ces serpents enchevêtrés, qui semblaient des fers rouges onduleux et en marche, érigeaient leurs têtes, s’allongeaient, s’enflaient ; les plus minces de ces couleuvres devenaient des constrictors énormes ; dressées tout à coup sur leurs queues, elles grossissaient jusqu’à paraître des hydres fantastiques, aux mille gueules béantes, aux mille langues dardées, et ces guivres s’engendraient les unes les autres, tourbillonnantes, s’abattant, se relevant, multipliant sans cesse, et c’était des pullullements de monstres qui ondulaient en vagues innombrables, — un torrent d’enfer, — l’océan de feu, désordonné…

Le feu ! C’était le feu ! l’incendie jaune, bleuâtre, vert, blanc, rouge, sous l’infini des ténèbres.

Tantôt il se hâtait comme en fuite, lâchement ; tantôt il revenait offensif, en fureur, hardi, comme à l’assaut de la vie éperdue, à son tour en fuite !