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L’ILLUSTRE MAURIN

comme son maître, semblant de dormir. Misé Sanplan ne soufflait mot, et pour cause : elle était occupée à regarder le gourdin.

« — Femme, dit alors le mari, ceci est un premier avertissement. Si tu t’amuses à me rompre la tête, je te romprai, moi, les échines. Mais, crois-moi, ceci ne vaut rien, et des coups de bâton n’ont jamais rien accommodé… Je suis bon comme un imbécile, mais j’entends être respecté comme si j’étais un peu méchant, tiens-le-toi pour dit. Je vois avec plaisir que tu sais, à l’occasion, ne pas tirer sur un fil jusqu’à le rompre.

« Quand je t’ai résisté, moi, si doucement, sur la question de tes merlates, que le diable emporte ! pourquoi as-tu tiré si fort sur le fil ? Le fil qui attache l’un avec l’autre un mari et une femme est plus fin encore et pas tant solide que ton fil de coton, ma mie, et une fois rompu, il n’y a ni nœud ni épissure qui puisse le rendre neuf et joli comme devant ! Si tu tires trop fort sur le fil que je te dis, il pètera, pechère ! et je te planterai là, toi avec tes merlates, car je tiens le bon bout — celui du peloton — autour de ce bâton qui te représente ma volonté d’homme. Là-dessus couche-toi, si c’est ton bon plaisir, et me laisse en paix jusqu’au jour ! »

« Que l’endiablée femelle se soit décidée à porter dignement par la suite le nom de Sanplan et à faire oublier son nom de Charpinois, je n’en jurerais pas, dit Pastouré en terminant son histoire, mais du moins, de toute cette nuit-là, elle ne parla plus de merles ni de merlattes, et Sanplan put dormir à poings fermés.

« Or six ou sept heures de sommeil tranquille, quand on est marié, du moins comme il l’était, c’est toujours un peu de bon temps de gagné…