Page:Aicard - L’Illustre Maurin, 1908.djvu/522

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
504
L’ILLUSTRE MAURIN

Merci, monsieur l’agulancier ;
Tu m’as ôté mon verminier.

« Rentre chez toi, la plaie est saine.

— Et la corne repousse-t-elle ? dit Galette narquois.

— Rie qui voudra rire : il y a des choses ! répliqua le vieux, chevrotant et cassé. Il y a des choses, répéta-t-il d’un ton mystérieux ; les uns les savent, les autres les ignorent…

— Trestournel, dit Galette, veux-tu que je conte comment un jour j’ai ri à mourir en voyant un pendu que j’avais pendu moi-même ?… car je n’ai pas toujours joué du couteau.

— De celui qui meurt, il ne faut pas rire, dit Maurin.

« Ne conte pas ta mauvaise victoire, mon homme, ne la conte pas, que tu ferais peine à ce mage qui ne t’a point fait de mal et qui, étant vieux, n’est pas loin de la tombe… dans laquelle je m’imagine que je serai avant lui.

« Et puis, pourquoi, mon homme, te vantes-tu d’un crime, si tu l’as commis ?… Et que tu l’aies commis, je n’en suis pas sûr, je ne veux pas me le croire… tu n’as voulu, en parlant comme tu as fait, que te moquer du vieux berger, parce qu’il est faible et que tu es fort ?

« Et lorsque à ton tour, tu seras comme nous sommes lui et moi, — lui parce qu’il est vieux, moi parce qu’on m’a tué, — lorsque à ton tour, tu te verras avec point de force et près de ta fin finale, voudras-tu que de toi, méchamment, on se vienne moquer, fils ?… Et ne dis pas que tu as tué. Le sang de l’homme est fait pour rester dans ses veines, caché aux yeux ; il ne faut pas