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L’ILLUSTRE MAURIN

place chez mes patrons. J’étais riche en ce temps-là ! J’avais, par jour, dix sous ! — dix sous et la vie libre ! J’étais heureux, mais j’avais un mauvais fils, un fils qui ne savait pas les choses, — les choses que moi je sais ; et il riait de moi !

— Quelles choses, vieux, ne savait-il pas ?

— Celles que personne ne sait.

Pognon et Galette se mirent à rire.

— Ne riez pas, dit Maurin, il n’y a pas de quoi rire !…

Pastouré se leva. Sa stature de géant se dessina sur le ciel, dans le vaste cadre formé par l’ouverture de la caverne.

— Celui qui n’obéira pas à Maurin, dit-il simplement, je me chargerai, moi, de le faire obéir…

— Oh ! vous !… grondèrent Galette et Pognon.

— Tais-toi, Pastouré, dit Maurin, ne menace pas ces hommes, toi qui ne ferais pas de mal à une mouche ! Ce n’est à personne d’ici qu’ils en veulent. Je me le comprends : on les aura maltraités et bourrés d’humiliations, car la vie pas souvent n’est juste ; et ils ont une colère qui ne les quitte pas, pourquoi jamais personne, peut être pas même leur mère, ne leur a parlé doux. Ils ne sont pas méchants tout au fond, car tout au fond personne ne l’est. Nous ne sommes tous que des hommes.

Galette, surpris malgré lui, murmura :

— Pardon, maître Maurin !

— Tu vois, mon vieux Parlo-Soulet… il comprend que je ne suis plus bon qu’à faire un mort, et devant la mort il devient doux. C’est un bon signe, il ne rira plus de toi, berger !… Dis-nous encore des choses !

Il y eut un silence… Les étoiles clignaient les yeux, d’un air d’intelligence.