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L’ILLUSTRE MAURIN

M. Rinal, qui ne sortait guère, avait pourtant promis d’assister au repas chez Halbran.

— Et Caboufigue, père ou fils, il n’est pas encore là ? interrogea Maurin.

Je leur ai écrit, dit Cabissol, comme vous l’avez désiré, qu’ils pourront, si cela leur plaît, nous trouver ici aujourd’hui.

Le groupe était en ce moment sur la place, large étagère suspendue au flanc de la colline, et par-dessus la balustrade neuve on apercevait la plaine de Bataillier et, au delà, les collines boisées de la Favière et de Bénat, d’où émergeait le sémaphore. Un peu sur la gauche, l’île du Levant, émeraude cerclée de lapis lazuli, puis tout le grand large.

Aux invités déjà présents vinrent bientôt se joindre deux amis de Cigalous, Mascurel et Lacroustade.

Ces deux personnages se distinguaient chacun par une particularité amusante.

Mascurel avait une façon tout à fait singulière de parler : s’il s’exprimait en provençal, il traduisait aussitôt sa phrase en français ; si en français, il la traduisait immédiatement en provençal. Il disait : « Bounjou, bonjour. Et alors, ça va bien aujourd’hui ? et alors, va ben, ueï ? Jugarioù que fera beoù, je parierais qu’il fera beau. Je suis content de vous voir, sioù countent dé vous véïre… » Et ainsi de suite.

Quant à Lacroustade, il avait la manie des répétitions et des inversions. Il disait : « De vous voir, ça me fait plaisir, monsieur ; ça me fait plaisir de vous voir. C’est un mauvais temps pour la chasse à la bécasse ; pour la chasse à la bécasse c’est un temps mauvais. J’ai été marié ; marié, je l’ai été ; mais, pechère ! ma