sur le vieux docteur, vous êtes matinal aujourd’hui ?
— Mes vieilles blessures, qui m’ont travaillé toute la nuit ! Je suis un vrai baromètre… Voilà un bel enfant.
Maurin regardait M. Rinal. Il l’avait quelquefois aperçu de loin, mais ne lui avait jamais parlé.
L’ancien chirurgien était un homme de haute taille, à large poitrine. Deux favoris blancs tombaient de ses joues, flottaient un peu au vent. Les lèvres et le menton étaient rasés soigneusement. Il portait un paletot de bure grise un peu ample, à grandes poches, et ses mains, très longues, pâles et fines, aux ongles nets et brillants, sortaient de deux manchettes de batiste. Son seul luxe, ces manchettes. Ce plébéien avait l’orgueil de ses belles mains. Il les encadrait. Et le geste avec lequel cet ami de Marat jouait avec sa tabatière rappelait un duc de Richelieu.
— C’est mon enfant, dit Maurin, sans embarras, tout de suite à son aise sous l’œil bleu-clair, très bienveillant, du vieux monsieur.
— Et nous venons vous voir, dit le maire.
— Entrez donc, messieurs.
Ce Messieurs fut dit sans la moindre affectation. La politesse innée de M. Rinal n’acceptait en aucun cas les inégalités d’appellation.
Au moment où il leur ouvrait la porte de son jardin, un garde en blouse bleue, au képi de sous-lieutenant, vint appeler M. le maire, qui s’excusa, présenta Maurin à M. Rinal, expliqua d’un mot le désir du brave chasseur, et se retira.
Maurin dut entrer le premier, dans le petit salon où vivait le solitaire. Une table à jeu, portant des livres épars sur lesquels luisaient la tabatière et la loupe.