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MAURIN DES MAURES

Paris. Et, criminel redouté, il demeurait inattaquable. Aucun de ses méfaits n’aurait pu être prouvé facilement. La plupart se compliquaient de chantage, et ses victimes préféraient, par orgueil ou pour éviter le scandale, se taire.

Généralement Grondard, qui avait dressé ses filles à ce manège, opérait ainsi : il en laissait une, comme appât, par un beau temps, occupée à quelque travail solitaire, sur un point giboyeux du territoire, « au pas de la lièvre, » comme on dit dans le pays… Un chasseur arrivait, paysan sans défiance, qui, provoqué par la luronne, la prenait par la taille. Elle criait. Surgissait Grondard père ou fils, et il fallait payer ou dire pourquoi. On payait et, tout penaud, on gardait le silence.

Cependant, la victime, un jour de belle humeur, au cabanon, après boire, finissait par conter son aventure… Et ainsi la triste réputation de Grondard s’était formée. On le traitait de monstre, mais de loin et à voix basse. Nul n’aurait osé prendre l’initiative de « porter plainte ».

Toutes proportions gardées, les Grondard ressemblaient un peu à ces affreux barons du moyen âge, qui, du haut de leurs châteaux forts, fondaient, secondés par quelques braves, sur les passants isolés. Ces barons étaient protégés par leur grandeur seigneuriale, les Grondard par leur bassesse compromettante. Et ceux-ci comme ceux-là par la mystérieuse terreur qu’ils inspiraient.

La Besti, Grondard le père, un jour d’août, par un torride soleil, était couché à l’ombre d’un haut rocher, au milieu des broussailles, à quelques pas d’un chemin forestier qu’inondait une lumière blanche, coupée çà