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MAURIN DES MAURES

— On dirait le sang des cœurs !… À la santé des dames ! proféra-t-il.

— Que veux-tu dire par là ? glapit enfin le fermier, qui se leva, les poings tout faits.

Maurin vida son verre en clignant de l’œil :

— Fameux ! dit-il… Et je veux dire par là, ajouta-t-il paisiblement, — car nous savons tous trois que tu es un jaloux, — je veux dire comme ça, Secourgeon, que lorsqu’on croit l’être il faut en devenir sûr avant de le dire à la gendarmerie. Et quand on ne l’est pas, c’est bête de tout faire pour donner à croire qu’on l’est… Adessias. Mon aigle a fini de rôder et ton chien peut dormir tranquille, et la petite bergère Fanfarnette également.

Et comme il s’en allait d’un pas allègre, Fanfarnette, la pastresse, au détour du sentier, assise au milieu de ses chèvres mauresques qui mettaient, dans la verdure des kermès, des taches blanches éparpillées, lui cria, en le regardant d’un air sournois :

— Oh ! maître Maurin ! je sais pourquoi vous l’avez tuée, l’aigle !

— Et pourquoi, mauvaise chose ?

Mais Fanfarnette se sauva, et courut se cacher dans un buisson.

Et Maurin, se remettant en marche, riait. Il riait d’un souvenir. Il l’avait surprise un jour au bain, la Fanfarnette, un jour qu’elle avait eu l’idée de se baigner dans une jarre au grenier.. ; et véritablement, elle était « faite au tour ». Mais, c’est si jeune ! Les si petits gibiers sont pour les petits chasseurs, les mauvais chasseurs des villes !

— De ce Maurin, pas moins ! pensait misé Secour-