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MAURIN DES MAURES

— La porte ! on vous dit ! animal ! Comment faut-il qu’on vous le dise ?

Il avait l’air bourru et l’accent corse.

— Malgré vous, — fit Maurin très tranquillement, — malgré vous, vous en aurez, du bon air frais pour votre santé !

« De quoi vous plaignez-vous ?… Ah ! enfin, on vous voit maintenant, les amis !… Mais je ne connais pas ce garde. C’est un nouveau, je le devine. Et un Corse, cela s’entend… Ah ! n’est-ce pas qu’on respire ? Ton auberge maintenant, Grivolas, sent le thym et la bruyère. C’est bon !

Il s’obstinait à ne pas fermer la porte. Il y eut un silence pendant lequel on « entendit le dehors », un bruissement prolongé à l’infini, qui se renflait et s’abaissait comme celui de la mer roulant des sables.

— Entends-tu le bruit des pinèdes ? fit Maurin. Trente lieues de bois de pins qui chantent à la fois, compères ! C’est ça une musique.

Et il se mit à rire.

Alors, la fille du garde, assise près de son père et tournant le dos à la porte, regarda Maurin en face. Les deux « vïores » de verre, qui, plantées dans des chandeliers de cuivre, fumaient sur la table, posées près de la fille, éclairèrent pour Maurin son visage ovale, régulier, d’une pâleur brune et mate. Les cheveux étaient collés sur les tempes en deux bandeaux plats, mais épais, lisses et reluisants comme l’aile bleue de l’agace et du merle ; et sous les sourcils qui semblaient peints, Maurin vit luire, en deux yeux d’un noir de charbon, d’une couleur rousse de bois brûlé, deux étincelles.

— J’ai froid, l’homme ! dit-elle placidement.