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MAURIN DES MAURES

sommets couverts d’argeras (genêts épineux), les vallons de roches et de bruyères.

Cet homme en pantoufles ne couchait pas trente fois par an, comme tout le monde, dans une vraie maison. Son carnier de cuir, exécuté d’après « ses plans » par le bourrelier de Collobrières, était une fois plus grand que le plus grand modèle habituel et, tout chargé, pesait quarante livres, qu’il trimbalait « comme rien ». Qu’y avait-il là dedans ? Un monde ! Tout ce qu’il faut pour vivre à la chasse, seul, au fond des bois, à savoir : douze gousses d’ail, renouvelables ; deux livres de pain, un litre de vin, un tube de roseau contenant du sel, une gourde d’aïgarden[1] ; une coupe taillée dans de la racine de bruyère, coupe d’honneur offerte à Maurin par les chasseurs de Sainte-Maxime ; deux paquets de tabac de cantine, deux pipes, un couteau-scie ; un couteau-poignard de marin, dans sa gaine de cuir ; un briquet, de l’amadou, trois alènes de cordonnier, un tranchet, une paire d’espadrilles de rechange (il en usait deux paires par semaine) ; une demi-peau de chèvre tannée, pour le raccommodage de ses chaussures ; deux tournevis, six livres de plomb, trois boîtes de poudre, deux boîtes de capsules (car bien qu’il possédât un fusil « à système » il prenait quelquefois son vieux fusil à piston) ; une boîte de fer-blanc pour les œufs et les sauces ; douze mètres de cordelette fine et solide dite septain ; une paire de manchons. Ces manchons étaient des gants de cuir de son invention, sans doigts, où ses bras plongeaient jusqu’aux épaules. Ces manchons, qu’il faisait admirer volontiers, ne semblaient pas d’un usage pratique, mais ils lui rendaient, au contraire,

  1. Eau ardente, eau-de-vie.