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MAURIN DES MAURES

ici des géants comiques mais héroïques. Pastouré fusillant le ciel, c’est encore, si vous le voulez, M. de Voltaire conviant Dieu, s’il existe, à sécher son écritoire ! Mais ce qu’il y a de particulier en Pastouré, c’est, comme toujours, la race ; voilà ce qu’il faut admirer en lui. C’est cette puissante faculté, qui est un don de race, de mettre immédiatement en acte un simple juron, et de le rendre héroïque à la fois et badin, d’extérioriser et de voir, avec ses yeux de chair, ses idées devenues des êtres ! Cela est le propre du génie ! C’est cette faculté, si puissante chez Pastouré, qui fait les Shakespeare. Je m’explique maintenant pourquoi cet homme se tait devant le monde et pourquoi il parle en gesticulant dès qu’il est seul. C’est que, d’une façon peut-être confuse, il se comprend plus grand que le vulgaire ; il dédaigne de se faire discuter ; il est en lui-même et il se suffit, comme un dieu. Il ne veut pas être distrait de soi par les petites vues des petits esprits, et même il ne pense peut-être que lorsqu’il est seul, mais alors avec quelle intensité, vous le voyez ! Alors il produit, il crée et porte un monde. Il le parle et le gesticule. Ce n’est qu’étant seul qu’il a du génie. Le public le dérange. Il se passe de l’univers qu’il domine par la pensée, et qui n’en sait rien.

« … Voilà ce que c’est qu’un Pastouré.

M. Rinal riait de tout son cœur.

— Convenez, mon cher Cabissol, que vous gonflez l’âne pour le faire voler, comme on le dit des gens de Gonfaron.

— Je ne vois ici ni âne, ni par conséquent gonflement d’âne, répliqua M. Cabissol ; j’enfle un peu l’expression, si vous voulez, mais en bon méridional que je suis, et