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MAURIN DES MAURES

enthousiasme et le vôtre, d’autant plus que, — j’en conviens, — chez beaucoup de nos paysans, la conscience est encore à l’état de nébuleuse…

— À la bonne heure ! dit M. Rinal, mais j’étais en droit de vous demander une explication… Ah !… voici Maurin.

Maurin entra, serra les deux mains amies et s’assit modestement sur le bord d’une chaise.

— Au moment où vous êtes entré, mon brave Maurin, dit M. Cabissol, j’allais conter à M. Rinal une conversation que j’ai eue, l’autre matin, avec un paysan de ma connaissance, un nommé Magaud.

— Je ne le connais pas, dit Maurin.

— Nous vous écoutons, dit M. Rinal qui se renversa dans son fauteuil.

— Je commence, dit M. Cabissol. Cela pourrait s’intituler :

LE BON CONSEIL DE MAÎTRE MAGAUD

« Tout au bord de la route, maître Magaud, qui est un grand maigre, silencieusement bêchait, sous le soleil de midi.

« Sa chemise bleue, ouverte en triangle, laissait voir sa poitrine presque noire. Il soulevait par-dessus sa tête, d’un mouvement automatique, sa lourde pioche à deux dents, et, s’inclinant tout à coup, il la piquait à toute volée dans la terre dure, brusquement fendue.

— Je le vois, dit M. Rinal.

— Alors, poursuivit M. Cabissol, il saisissait par l’extrémité le manche de bois horizontal, il le tirait à lui de bas en haut, et la force du levier détachait un gros bloc dentelé de cette terre semblable à de la rocaille.