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MAURIN DES MAURES

lait, avec l’odeur de l’oignon, le regret de n’avoir pas été choisi par la Providence comme l’héritier du Canonge.

« — Et les vingt francs, monsieur, — vous me croirez Si vous voulez… eh bien… il me les donnai trois jours après ! »

« On sentait que ce trait d’honnêteté de Latrinque étonnait encore Magaud.

« Il remit lentement les débris de son pauvre repas dans le carnier qu’il suspendit à l’arbre, but une gorgée encore, posa, dans un creux du vieux tronc d’olivier, bien à l’ombre, sa bouteille presque vide et reprit sa pioche.

« Il revint au champ qu’il récavait, planta jusqu’aux chevilles, entre les mottes rougeâtres, ses souliers énormes, souleva par-dessus sa tête, d’un mouvement automatique, sa lourde pioche à deux dents, et, s’inclinant tout à coup, il la piqua à toute volée, dans la friche dure, qui brusquement se fendit.

« Alors, tout courbé, Magaud saisit par l’extrémité le manche de bois horizontal et, au moment de le tirer à lui, de bas en haut, il parla sans se relever :

« — Voilà pourquoi le fils de Latrinque, que vous venez de voir passer, est si fier sur sa çarrette… il me dit encore bonzour quelquefois, oui, mais il ne m’aime guère. »

« Et Magaud conclut, avec le ton sourd de la sagesse qui vient des profondeurs :

« — Les gens à qui on a fait du bien, c’est toujours comme ça ! »

« Magaud souleva brusquement le manche horizontal de sa pioche, et la force du levier détacha un gros bloc