Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
9
MAURIN DES MAURES

une race de feu, sœur de la sienne. L’envie lui vint de faire le beau, comme elle vient au faisan dans le temps des amours.

— Tu n’as rien tué aujourd’hui ? lui demanda l’un des buveurs.

Alors la physionomie du galégeaïré devint sérieuse :

— Il m’en est arrivé une, dit-il, dans son français traduit du provençal et semé d’idiotismes : osco, Manosco !

Il abattit sur la table son poing fermé, avec le pouce rigide en l’air.

Cela signifiait : « Il m’en est arrivé une bien bonne, surprenante, inénarrable ! »

Osco, c’est-à-dire ; marque-la ! et Manosco, ajouté pour la rime, pour rien, pour le plaisir, pour faire sonner une deuxième fois le osco en invoquant une cité provençale qui a donné, dans les temps, de fortes surprises aux gens de guerre.

Les têtes se groupèrent autour de Maurin. Seuls les gendarmes ne se dérangèrent pas. L’aubergiste fut attentif. Quel gibier lui apportait Maurin ?

Maurin, lui, songeait surtout à plaire à la fille, en contant de son mieux une histoire étonnante.

La belle Corsoise s’était dérangée comme les autres pour écouter le conteur jovial, le fameux galégeaïré.

Maurin repoussa en arrière son petit feutre fané et dit gravement :

— Voilà. Figurez-vous, je n’ai vu, de tout le jour, qu’un gageai (un geai).

Il y eut un : ah ! de désappointement dans l’auditoire.

— Mais espérez un peu ! poursuivit l’homme avec une expression narquoise répandue dans tout son visage, espérez un peu… vous allez voir…