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MAURIN DES MAURES

en resta, même à Gonfaron, ce fut cette phrase : À Gonfaron les ânes volent. Les Gonfaronnais, des cent ans après, se dirent entre eux : « Du temps de nos pères les ânes volaient : si nous en faisions voler au moins un ? » Ils amenèrent sur la place publique un vieil âne qui n’était plus bon à rien, pensant que si celui-là montait au ciel et ne reparaissait plus on ne perdrait pas grand’chose ; et ils se mirent en posture de le gonfler de leur respiration, en la lui soufflant, — sauf votre respect — par le trou que tous les ânes ont sous la queue.

— Les lions eux-mêmes, interrompit Maurin, en ont un à la même place.

— Les gens de Gonfaron, poursuivit l’ermite, plantèrent donc un fort tuyau de roseau dans le trou de l’âne, et tour à tour tous les gens du village y passèrent ; chacun soufflait selon sa force en tenant d’une main le tuyau qu’il fallait boucher bien vite avec la paume de l’autre main posée à plat sur le trou, de peur que la bête ne se dégonflât, entre chaque souffleur, du vent qu’elle avait pris du précédent.

Le bon coup fut au dernier. C’est le maire qui devait passer le dernier, comme le bon Dieu à la procession.

— À votre tour, monsieur le maire !

— Par ce roseau où tout le monde a mis les lèvres, dit le maire, non, décidément, je ne soufflerai pas ! De trop vilaines bouches ont passé par là !

« Mais tous se mirent à crier contre lui, indignés, et disant qu’il allait faire manquer le résultat d’un si long travail. Et le maire de Gonfaron dut en venir à mettre sa part de respiration dans le derrière de l’âne. Mais comme il était très délicat, il lui vint une bonne idée : il retira le roseau, le retourna vivement et l’ayant