Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/347

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
329
MAURIN DES MAURES

cueillis sur l’eau, il les jeta au fond du bateau où gisait le premier sous la garde d’Hercule. Alors, il cria aux gendarmes, debout là-bas sur la colline, véritables statues de l’autorité impuissante :

— Pour ceux-là, vous n’avez rien à dire ; la mer n’a pas de propriétaire : zibier d’eau !

Sandri et son compagnon ne disaient rien en effet. Le désespoir entrait dans l’âme du beau gendarme. Mais Sandri et son compagnon avait une chance de revanche. Le comte de Siblas, averti par eux, et très curieux de connaître le fameux braconnier des Maures, avait annoncé qu’avec son yacht il surveillerait les points abordables de l’île.

La barque s’éloignait doucement ; Maurin faisait mouvoir avec lenteur ses avirons dans l’eau calme. Il s’arrêta, mit ses mains en porte-voix et cria encore :

— Sandri ! c’est toi qui les as levés, ceux-là. Comme gendarme, je me f…iche un peu de toi, mais comme rabatteur je t’estime.

Une envie vague de braquer son revolver sur Maurin prit au cœur le Corse vindicatif. Mais son compagnon lui toucha le bras :

— Notre homme est pincé, Sandri. Voici le bateau du comte qui lui coupe la retraite.

En effet, le yacht à vapeur, svelte, coquet, blanc et or, avec ses deux petits joujoux de canons qui reluisaient au soleil, se mettait en travers de l’embarcation du chasseur. Maurin, l’œil sur les gendarmes dont la vue le réjouissait au delà de toute idée, n’avait pas aperçu le yacht auquel il tournait le dos. Le bruit léger des vaguelettes sur la grève couvrait le bruit de la marche du petit navire, l’Ondine.