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MAURIN DES MAURES

verrais la queue. Qui parle ? Les femmes. Aussi, on peut dire : « Qui fait tout le mal ? La femme. » Ne parle que pour dire qu’il ne faut pas parler, et tu parleras encore trop. Si tu avais parlé devant ces gendarmes (que le tron de Dieu les cure comme il cure les châtaigniers des Maures !) que serait-il de toi, Pastouré, maintenant ? car pourquoi leur aurais-je parlé, sinon pour leur dire ce que je pense d’eux ? Et si j’avais dit, à eux, ce que j’en pense, où serais-je à présent, pauvre de moi ! Je tremble d’y songer : je serais avec eux, entre eux ou devant eux, et hors d’état de porter mon fusil et celui de mon collègue ! Ils ont dit qu’à La Verne ils déjeuneraient. Ils l’ont dit et ils ont trop parlé, puisque je le sais et que plus facilement je vais les suivre afin que lorsqu’il leur échappera — car il leur échappera, le renard ! il coulera entre leurs pattes, le lapin ! il leur fichera le camp, le lièvre ! — je puisse lui rendre son fusil, qu’on pourrait lui voler ici. Tu porteras deux fusils, Pastouré : tu as donc quatre coups à tirer… Si je pouvais, pas moins, faire coup quadruple ! c’est ça qui serait « faire bien parler la poudre ! » S’il n’avait pas parlé comme il ne fallait pas, ce bon à rien de fusil, que j’ai vu là-bas par terre en mille morceaux, les gendarmes peut-être ne seraient pas venus. Mais comment savoir quand il faut se taire ? Un fusil est fait pour parler… Dans mon trouble, tenez, j’ai laissé là-bas la cruche et les morceaux du vieux fusil ; allons les prendre. Des vieux morceaux de fer, ça peut toujours servir. Un canon de fusil est du moins un tuyau, et quand il ne serait bon qu’à gonfler un âne, il serait encore agréable aux gens de Gonfaron… Si je ne m’étais pas tant parlé, j’aurais pensé à ramasser le fusil et la cruche…