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MAURIN DES MAURES

prendre, et comprenant en effet bien des choses, mais non pas tout, et pour cause.

Les deux interlocuteurs parlaient de Nietzsche.

À quel propos ?

À propos du sentiment de pitié auquel le lièvre de Pitalugue avait dû sa libération.

Le philosophe allemand, dissertant de la pitié, dit en propres termes : « Les petites gens la tiennent aujourd’hui pour la vertu par excellence… Gardons-nous de la pitié. Soyons durs. »

— Il a bien raison, s’écriait M. Rinal. Robespierre et Marat pitoyables, c’est la révolution française, l’émancipation du monde rendues impossibles.

— Cependant, répliquait M. Cabissol qui partageait, au fond, l’opinion de M. Rinal, mais qui s’amusait à le contredire à seule fin de l’exciter aux répliques, — cependant vous ne pouvez pas voir dans votre assiette une tête de poulet ?

— Les poulets sont des innocents. Toutes les bêtes sont innocentes.

— Maurin est un chasseur ; il tue des bêtes.

— Il les tue pour en vivre. La vie inférieure doit être sacrifiée à la vie supérieure, et celle-ci a le droit d’être impitoyable lorsqu’il s’agit pour elle d’assurer sa conservation et les moyens de s’élever encore. Les miséricordieux sont les protecteurs de la vie ; mais ils doivent la protéger, par pitié suprême, contre les premiers mouvements de leur pitié instinctive, laquelle pourrait donner la victoire aux vrais impitoyables… N’en doutez pas, c’est le fond de la pensée de Nietzsche.

Il faut croire que Maurin avait compris car il grommela :