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MAURIN DES MAURES

sein de me noyer, on serait bien content, tout au moins, de me voir barboter un peu.

« J’étais fort mal à mon aise. Tout à coup, un homme, sortant de la foule, vint à moi.

« — Descendez de votre chaise, monsieur Cabissol, me dit-il, je vais leur parler moi. »

« J’obéis, subjugué par le ton décidé du personnage.

« Il était curieux, le personnage.

« Jeune, très maigre, et singulièrement vêtu d’une redingote noire trop longue, gilet et pantalon assortis, il était coiffé du kalitre (haut de forme) que les gens de la campagne ne mettent ici qu’une fois dans leur vie, le jour de leur mariage. Ce chapeau portait un crêpe.

« L’homme, étant monté sur ma chaise, cria d’une voix de tonnerre :

« — Citoilliens ! je connais le citoillien qui vient de vous parler : c’est un bon. Je réponds de lui. Retirez-vous, puisqu’on vous dit que tout est arrangé. M. Larroi vous fait beaucoup d’excuses, vous reprendrez le travail chez lui, dès demain. »

« — Permettez ! criai-je.

« — Laissez-moi faire, dit l’homme, je sais mieux que vous ce qu’il faut leur dire. »

« Mais les premiers rangs de la foule, ayant vu mon mouvement de protestation, crièrent à mon défenseur :

« — Qui nous garantit que celui que vous défendez ne nous trompe pas ?

« — Moi ! dit l’homme en redingote et en kalitre, moi, je vous dis ! »

« La foule murmurait, irritée, mais déjà indécise.

« Alors, l’homme noir, dans un mouvement d’éloquence populaire vraiment magnifique :