Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
69
MAURIN DES MAURES

— Une supposition, que je dise à mon brave Maurin ce que je pense de sa conduite d’aujourd’hui, il m’enverrait au bois ! Et au bois ou au diable, quand c’est un Maurin qui vous y envoie, il faut bien qu’on y aille, pechère ! Alors, sur ce qu’il a fait aujourd’hui, je ne lui ai pas dit ce que je me pense au dedans de moi.

« À quoi servent les amis, me direz-vous, s’il ne vous avertissent pas quand vous faites une bêtise ? Mais comment voulez-vous qu’ils vous fassent des observations, quand ils savent que vous ne les supporteriez pas ? Il ne me reste donc qu’à le suivre dans les chemins bons ou mauvais, de pierre ou de sable, bien ou mal caladés, et qu’ils aboutissent quelque part ou non, par où il lui plaira de passer, ce qui fait, pauvre moi ! qu’où je vais je n’en sais rien — et c’est bien par pure amitié !

« Comment il se fait qu’un homme tranquille comme moi je suis, détestant les femmes, et de forte corpulence, — car il n’y a pas à dire, mon ventre prend du poids, — se soit attaché à cet homme maigre et toujours dans des rues Casse-toi-le-derrière ? Il faut croire que l’amitié est aussi bête que l’amour. On aime qui l’on aime et qui on aime on suit, en groumassant ou en silence — c’est tout un. Et ce que je ne lui ai pas dit, à Maurin, c’est que vraiment c’est bêtise grosse, bêtise grande, bêtise haute et large, bêtise énorme, trois jours surtout après s’être moqué des gendarmes en chevauchant sur leurs chevaux, de revenir à leur barbe faire en leur place métier de gendarmes, comme pour leur dire : « La gendarmerie n’y entend rien, et c’est moi (moi à qui elle fait des procès-verbaux !) qui vais lui faire voir comment on arrête les malfaiteurs ! » Un véritable crime est un