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Page:Aicard - Notre-Dame-d’Amour, Flammarion, 1896.djvu/210

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des Alpilles. A l’est et à l’ouest, au bord des deux Rhônes, la dentelure des aubes et des ormeaux, noyée dans le brouillard qui s’élève du double fleuve.

— La manade ! cria le père Augias.

Dans un marais en contre-bas, parmi les canéous et les siagnes, la manade paissait. Les aigues, le cou allongé vers le sol, arrachaient à lèvres tendues les tiges menues des roseaux, puis, relevant la tête, les oreilles attentives et mobiles, regardaient l’espace, humaient l’air salin, respiraient la vie, en fouettant de leurs queues traînantes leurs croupes et leurs flancs grisâtres. Des poulains se mordillaient l’un l’autre au cou, à la crinière. Des étalons, inquiets d’eux-mêmes, tournaient autour des cavales avec de petits hennissements sourds, comme s’ils voulaient plaire, et préluder par des grâces à la violence des caresses. Les taureaux, pour la plupart, s’étaient couchés, leurs pieds sous le poitrail, les genoux sous le mufle