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Si les Bembo, les Sannazar, les Ruccellaï, privés d’inspiration, mais excellents artistes de poésie élégante, célèbrent tour à tour les louanges de la Vierge, la beauté physique, la galanterie, la métaphysique et le plaisir, sans quitter les délices de leurs villas et en se soumettant à la flatterie des cours ou à la licence des mœurs générales ; Tasse, jeté dans une maison de fous, insulté par l’Arétin, ayant à peine de quoi vivre, méconnu des uns, méprisé des autres, paie cher l’audace et le malheur d’échapper aux vices de son temps. Mais la juste postérité, qui se souvient à peine des poètes rivaux du Tasse et n’admire plus en eux que certains détails heureux, certaines grâces d’expression, le soin curieux des formes du langage et les preuves d’un goût cultivé, a placé l’auteur de la Jérusalem délivrée au niveau même de Virgile et de Dante. Quelques taches brillantes, nées d’une civilisation sensuelle et affectée, n’ont pu éteindre l’enthousiasme que doivent inspirer l’intérêt d’une fable pathétique, la mobilité de l’imagination, la lucidité du plan et la beauté idéale des caractères.