Aller au contenu

Page:Aimard - Balle france, 1867.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dit-il, sa langue n’est pas fourchue, les paroles que soufflent sa poitrine sortent de son cœur. Le chef veut servir ses amis pâles.

— Ah ! reprit Balle-Franche, le chef a bien parlé, ses paroles ont agréablement résonné à mon oreille ; que désire mon frère ?

— S’asseoir au feu du conseil des visages pâles, afin de leur expliquer les raisons qui le conduisent ici.

— Bon ! Mon frère viendra-t-il seul parmi les blancs ?

— Non ! une autre personne accompagnera le chef.

— Et quelle est cette personne dans laquelle un aussi grand chef que mon frère place sa confiance.

— La Louve des prairies. »

Balle-Franche réprima un mouvement de joie.

« Bon ! reprit-il, mon frère peut venir avec la Louve, les visages pâles les recevront bien.

— Mon frère le chasseur annoncera la visite de ses amis.

— Oui, chef, je vais à l’instant même m’acquitter de cette commission. »

La conférence était finie ; les trois hommes se séparèrent après s’être de nouveau salués.

Balle-Franche et Ivon se hâtèrent de regagner les retranchements.

« Victoire ! s’écria le chasseur en arrivant, nous sommes sauvés ! »

Chacun s’empressa autour de lui, avide d’apprendre les détails de la conférence ; le Canadien satisfit à la curiosité générale sans perdre un instant.

« Aoh ! fit John Bright, si la vieille dame est avec eux nous sommes sauvés en effet, » et il se frotta joyeusement les mains.

Après avoir si malheureusement échoué dans le guet-apens qu’elle avait tendu à Natah-Otann, loin de se décourager ; mistress Margaret avait, au contraire, senti augmenter sa soif de vengeance, et sans perdre un temps inutile à regretter l’échec qu’elle avait subi, elle avait immédiatement dressé ses batteries, résolue à frapper un grand coup, arrivée enfin à ce degré de rage où l’on est complètement aveuglé par la haine et où l’on marche en avant, quelles qu’en doivent être les conséquences.

Dix minutes après avoir quitté le sachem, elle était sortie du camp en compagnie du Loup-Rouge, qui, d’après ses ordres, avait emmené les guerriers placés sous ses ordres, et ils s’étaient dirigés vers le défrichement du squatter.

À peine Balle-Franche avait-il donné à ses amis les renseignements que ceux-ci lui demandaient, que mistress Margaret et le Loup-Rouge entraient dans la forteresse, où ils étaient reçus avec la plus grande affabilité par les Américains et surtout par John Bright, joyeux de voir que son défrichement n’était pas menacé et que l’orage se détournait de lui pour aller fondre ailleurs.

Nous reviendrons maintenant au fort Mackensie, où se passaient en ce moment même des événements de la plus haute importance.


XXVII

L’ASSAUT.


Le Bison-Blanc et Natah-Otann avaient pris leurs dispositions stratégiques avec une habileté remarquable.

À peine les deux chefs eurent-ils établi leur camp dans la clairière, qu’ils se mirent en rapport avec les sachems des autres nations campés non loin d’eux, afin de combiner leurs mouvements de façon à agir avec ensemble et à attaquer les Américains de tous les côtés à la fois.

Bien que les Peaux-Rouges soient excessivement rusés, cependant les Américains étaient parvenus à les tromper complètement, grâce à l’obscurité et au silence qui régnaient dans le fort, derrière les parapets duquel on n’apercevait pas reluire la baïonnette d’une sentinelle.

Laissant leurs chevaux, qui leur devenaient inutiles, cachés dans les bois, les Indiens s’étaient étendus à plat ventre et, rampant dans les hautes herbes comme des reptiles, ils s’étaient mis en devoir de traverser l’espace qui les séparait des remparts.

Tout était encore morne et silencieux en apparence, et en réalité deux mille guerriers intrépides se glissaient sournoisement dans l’ombre, pour donner l’assaut à une forteresse derrière laquelle quarante hommes résolus n’attendaient qu’un signal pour commencer l’attaque.

Lorsque tous les ordres avaient été donnés, que les derniers guerriers, moins ceux affectés à la garde des prisonniers, avaient eu quitté la colline, Natah-Otann, dont l’œil perspicace avait découvert une certaine hésitation de mauvais augure dans l’esprit des chefs alliés, avait résolu de tenter auprès du comte une dernière démarche, afin d’obtenir son concours. Nous avons vu ce qui était résulté.

Demeuré seul, Natah-Otann donna le signal de l’attaque, les Indiens roulèrent comme un ouragan sur les flancs de la colline, et se précipitèrent vers le fort en brandissant leurs armes et en poussant leur cri de guerre.

Tout à coup une puissante détonation se fit entendre, et le fort Mackensie apparut ceint, comme un nouveau Sinaï, de fumée et d’éclairs éblouissants.

La bataille était commencée.

La plaine était envahie, aussi loin que la vue pouvait s’étendre, par de forts détachements de guerriers indiens qui tous, convergeant dans un même sens, marchaient résolument du côté du fort en déchargeant continuellement leurs fusils contre lui ; de l’endroit où la chaîne des collines touche le Missouri, on voyait arriver sans cesse de nouveaux piékann.

Ils venaient au galop, par troupes de trois jusqu’à vingt hommes à la fois ; leurs chevaux étaient couverts d’écume, ce qui faisait présumer qu’ils avaient fourni une longue traite ; les Pieds-Noirs