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Elle se tenait accroupie devant le feu.

Il descendait d’une vieille famille de squatters.

Le squatter est une individualité particulière de l’Amérique et que l’on chercherait vainement autre part.

Disons en quelques mots ce que c’est.

Sur les terres appartenant aux États-Unis, qui n’ont encore été ni arpentées ni mises en vente, se trouvent des corps nombreux de population qui les ont occupées avec le désir de les acquérir le jour de la vente.

Ces habitants sont appelés squatters.

Nous ne voulons pas dire qu’ils forment l’élite des émigrants de l’ouest, nous savons cependant que dans certains endroits, ils se sont constitués en gouvernement régulier et ont élu des magistrats pour veiller à l’exécution des lois draconiennes qu’eux-mêmes ont élaborées pour assurer la tranquillité des territoires qu’ils ont envahis.

Mais à côté de ces squatters quasi-honnêtes, et qui courbent tant bien que mal leur tête sous un frein souvent bien dur, il existe une autre classe de squatters qui comprennent la possession de la terre dans son sens le plus large, c’est-à-dire que lorsque, ce qui arrive souvent, dans leurs pérégrinations vagabondes le hasard les fait rencontrer un terrain en friche qui soit à leur convenance, ils s’y installent sans plus ample information, s’y établissent sans plus se soucier du propriétaire que s’il n’existait pas, et quand celui-ci arrive avec ses engagés pour travailler sa terre et la mettre en rapport, il est tout étonné de la trouver aux mains d’un individu qui, s’appuyant sur cet axiome élastique que possession vaut titre, refuse de la lui rendre, et qui, s’il insiste, le chasse à coups de rifle et de revolver, cette ultima ratio des pionniers.

Nous connaissons une bonne histoire d’un gentleman qui, parti de New-York avec deux cents engagés pour défricher une forêt vierge dont il avait fait l’acquisition quelque dix ans auparavant, et dont il n’avait jamais songé à tirer parti jusque-là, trouva, lorsqu’il fut arrivé sur sa concession, une ville entière de quatre mille âmes, bâtie sur l’emplacement de sa forêt vierge, dont il ne restait plus un arbre. Après maints pourparlers et discussions sans nombre, ledit gentleman s’estima fort heureux de pouvoir s’en aller sain et sauf et sans payer de dommages-intérêts à ses spoliateurs qu’il s’était pendant un instant bercé de l’espoir de déposséder.

Mais on ne dépossède pas plus un squatter qu’on ne parvient à faire lâcher à un Yankee le dollar sur lequel il a une fois mis la main.

Nous citons cet exemple entre dix mille plus étranges encore que celui-là.

John Bright appartenait à la première des deux classes que nous venons de décrire. Lorsqu’il avait atteint vingt ans, son père lui avait