— C’est juste, dit en riant le jeune homme, mais prenez-y garde, chef, je suis difficile en diable depuis que je suis dans la prairie ; il y a peu de gibier que je n’aie chassé, puisque c’est l’amour seul de la chasse qui m’a poussé dans ces contrées inconnues ; ainsi, je vous le répète, il me faut un gibier de choix. »
Natah-Otann sourit avec orgueil.
« Mon frère sera content, dit-il.
— Et quel est l’animal que nous allons traquer ? demanda le jeune homme avec étonnement.
— L’autruche. »
Le comte fit un geste d’étonnement.
« Comment l’autruche ! s’écria-t-il ; c’est impossible, chef.
— Parce que ?…
— Eh, mon Dieu ! tout simplement parce qu’il n’y en a pas dans ces régions.
— L’autruche disparaît en effet, elle fuit et recule devant les blancs et devient plus rare de jour en jour, mais elle est encore nombreuse dans les prairies ; dans quelques heures mon frère en aura la preuve.
— Je ne demande pas mieux.
— Bon ! tout est convenu ; les guerriers terminent leurs préparatifs, bientôt je viendrai prendre mon frère. »
Le chef salua avec courtoisie et se retira après avoir jeté un dernier regard autour de lui.
À peine le rideau de la porte fut-il retombé derrière le chef que le monceau de fourrures qui recouvrait la jeune fille s’agita, et Fleur-de-Liane s’élança auprès du comte.
« Écoute, lui dit-elle en lui saisissant la main qu’elle pressa avec tendresse, je ne puis rien t’expliquer en ce moment, le temps me presse ; seulement, souviens-toi que tu as une amie qui veille sur toi ! »
Et avant que le comte, revenu de son étonnement, eût le temps de lui répondre ou songeât même à la retenir, d’un bond de gazelle elle s’enfuit.
Le jeune homme passa à plusieurs reprises sa main sur son front, le regard fixé vers l’endroit où avait disparu l’Indienne.
« Ah ! murmura-t-il au bout d’un instant, aurais-je donc enfin rencontré une véritable femme ?
— C’est un ange ! dit le chasseur, répondant à sa pensée ; pauvre enfant, elle a bien souffert !
— Oui, mais je suis là maintenant, et je la protégerai, s’écria-t-il avec exaltation.
— Songeons à nous d’abord, monsieur le comte, et tâchons de nous tirer sains et saufs d’ici ; ce ne sera pas une petite affaire, je vous assure.