Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/101

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dans le grand désert del Norte à la poursuite des Indiens apaches, et comment, après s’être égaré avec sa troupe au milieu de cet océan de sables mouvants, et avoir vu tomber autour de lui ses plus braves compagnons, s’était, dans un accès de calentura, fait sauter la cervelle, et comment, une heure à peine après sa mort, les quelques Français qui avaient survécu à ce grand désastre étaient enfin parvenus à sortir du désert et à reprendre la route de la colonie[1].

Les Français laissés à Guetzalli virent avec stupeur arriver les débris de l’expédition.

La nouvelle de la mort du comte de Lhorailles acheva de les démoraliser. Abandonnés sans chefs, si loin de leur pays, au milieu d’une contrée ennemie, exposés à chaque instant aux attaques des Apaches, ils se laissèrent aller au désespoir et agitèrent sérieusement la question de quitter la colonie pour regagner les bords de la mer et s’embarquer.

En effet, le comte de Lhorailles avait fondé la colonie, il en était l’âme ; lui mort, ses compagnons ne se sentaient ni la force ni l’énergie nécessaires pour continuer son œuvre, œuvre que, du reste, ils ne connaissaient que fort imparfaitement, car le comte n’avait pas de confidents parmi les hommes qu’il s’était associés ; jaloux de son pouvoir, d’un caractère peu expansif, jamais il n’avait confié à personne ni ses plans ni ses projets.

Les Français qui l’avaient suivi, aventuriers avides pour la plupart et dévorés de cette soif inextinguible de l’or qui leur avait fait tout quitter pour venir en Amérique, avaient été cruellement déçus

  1. Voir la Grande Flibuste. 1 vol. Amyot, éditeur, 8, rue de la Paix.