Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/130

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— Hélas ! enfant, je suis un homme maudit ; mon amour est mortel, et je tremble.

— Quelle plus grande joie que celle de mourir pour ce qu’on aime !

— Je suis un proscrit, un pirate, mis hors la loi.

Elle se releva fière et hautaine, les sourcils froncés, la narine dilatée, l’œil étincelant.

— Vous êtes un noble cœur, don Luis, dit-elle d’une voix stridente. Vous avez rêvé la régénération d’un peuple esclave. Que m’importent les noms qu’on vous donne, ami ? un jour viendra où justice éclatante vous sera rendue. Puis, se radoucissant peu à peu, elle sourit avec tendresse. Vous êtes proscrit, pauvre cher, dit-elle doucement, la mission de la femme n’est-elle pas sur cette terre de soutenir et de consoler ? La lutte que vous entreprenez sera terrible/, votre projet est insensé d’audace et de grandeur ; peut-être succomberez-vous dans cette lutte. Vous avez besoin, non pas d’un conseiller, d’un frère, mais d’une amie dont l’âme comprenne la vôtre, pour le cœur de laquelle votre cœur n’ait pas de secret, qui vous console et vous crie : Courage ! lorsque vous vous laisserez gagner par le désespoir et que, comme, un Titan vaincu, vous serez prêt à reculer. Cette amie fidèle, dévouée, toujours veillant sur vous et pour vous, ce sera moi, don Luis, moi, qui ne vous quitterai jamais et qui, si vous tombez, tomberai à vos côtés, frappée du même coup qui vous aura renversé.

— Merci, enfant, mais je ne suis pas digne d’un aussi sublime dévoûment. Songez à l’existence douloureuse que vous vous créez ; songez à la vie douce, calme, paisible que vous laissez derrière vous pour vous fiancer à la douleur, à la mort peut-être.