Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/144

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avait un instinct infaillible pour flairer une trahison ; dans la circonstance actuelle, bien qu’en apparence tout se passât avec la plus grande franchise et qu’il fût à mille lieues de soupçonner la vérité, cependant il devinait qu’on le trompait, sans pourtant qu’il lui fût possible d’apercevoir le but caché qu’on voulait atteindre.

Cependant, il n’y avait pas de faux-fuyants à employer ; il lui fallait, bon gré, mal gré, s’exécuter, et il s’y décida à contre-cœur, après avoir jeté sur les deux inconnus un second regard qui semblait vouloir lire jusqu’au fond de leur pensée, mais qui n’eut pas un meilleur résultat que le premier.

— Messieurs, dit-il, vous n’avez sans doute pas oublié les bontés sans nombre dont le gouvernement mexicain vous a accablés.

— Accablés est le mot, interrompit en souriant de Laville ; continuez, colonel.

Celui-ci, un peu interdit de cette raillerie, se décida cependant à poursuivre.

— Le gouvernement est prêt à faire encore, s’il en est besoin, de plus grands sacrifices pour vous.

— Caspita ! interrompit encore le jeune homme, nous l’en dispensons ; les bienfaits du gouvernement mexicain nous coûtent généralement très-cher.

Une discussion entamée sur ce ton de raillerie n’avait guère de chance d’aboutir à un arrangement amiable : cependant le colonel ne se rebuta pas, son parti était pris ; peu lui importait le résultat, sachant fort bien que ceux qui l’avaient envoyé ne se gêneraient nullement pour le désavouer selon les circonstances.

— Donc, dit-il, voilà ce qu’on vous propose.