Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/149

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frontière ont disparu pour faire place aux labeurs incessants de la civilisation. Cette colonie de Guetzalli, fondée avec tant de peine, arrosée de tant de sang, prospère et commence à payer amplement les fatigues et les sueurs qu’elle vous a coûtées. Le jour est proche où, excités par votre exemple, d’autres colons viendront vous joindre, et, vous aidant à repousser les Indios Bravos dans leurs impénétrables déserts, mettront pour jamais les frontières mexicaines à l’abri des déprédations des sauvages et rendront à ce magnifique pays sa splendeur première.

— Eh bien ? fit le capitaine.

— Eh bien, continua le comte, m’appartient-il à moi, étranger, à moi à qui vous ne devez rien, de vous entraîner dans une lutte sans issue probable, de vous mêler à une querelle qui ne vous regarde pas, et dans laquelle vous avez tout à perdre, pour que demain cette terre que vous avez, après tant d’efforts, arrachée à la désolation, retombe dans sa barbarie première ? En un mot, mon ami, je me demande à quel titre et de quel droit je vous entraînerais dans ma chute.

— À quel titre et de quel droit ? Je vais vous le dire, répondit noblement le jeune capitaine. Monsieur le comte, nous sommes ici à six mille lieues de notre pays, sur la limite extrême du désert, n’ayant de protection à espérer et de secours à chercher qu’en nous-mêmes ; à une telle distance de la patrie, tous les Français doivent se considérer comme frères et être solidaires les uns des autres ; une insulte faite à un Français, tous la doivent ressentir : c’est justement parce que nous sommes peu