Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/166

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ne commettrai pas la maladresse de te refuser ; pars, frère ; agis à ta guise, ce que tu feras sera bien.

— Alors adieu, je me mets immédiatement en route.

— Sans prendre un instant de repos !

— Tu sais bien que je ne suis jamais fatigué. Allons, courage, nous nous reverrons à la Magdalena.

Les deux amis s’embrassèrent, puis ils sortirent du jacal.

Sur le seuil de la porte ils se séparèrent après s’être une dernière fois serré la main ; Valetftln prit à droite et le comte tourna à gauche.

Une garde de dix hommes défendait les approches du quartier général.

Une sentinelle se promenait, le fusil sur l’épaule, devant la porte de l’église de la Mission, habitation provisoire du comte.

En arrivant auprès de son logis, don Luis reconnut don Cornelio, accompagné de deux personnes, dont l’une était revêtue du costume ecclésiastique ; ils étaient arrêtés et semblaient attendre.

Le comte pressa le pas ; bien qu’il n’eût jamais, jusqu’à ce moment, vu le père Séraphin, il le reconnut au portrait que Valentin lui en avait fait.

C’était toujours l’homme aux regards d’ange, aux traits fins et accentués, à la physionomie intelligemment douce, que, dans un précédent ouvrage[1], nous avons présenté à nos lecteurs ; mais l’apostolat est dur en Amérique ; les années y comptent triple pour les missionnaires réellement dignes de ce nom, et le père Séraphin, bien qu’il n’eût que trente ans à peine, portait déjà sur son corps et sur son visage les traces

  1. Voir le Chercheur de Pistes, 1 vol. Amyot, éditeur, 8, rue de la Paix.