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L’ÉCLAIREUR.

presque sans vie, avait eu la force de venir à sa rencontre, et de se tenir aussi droit et aussi ferme sur sa selle.

Don Miguel jouit quelques instants de son triomphe et de l’admiration qu’il inspirait à ces hommes pour lesquels la seule suprématie est celle de la force, puis il se pencha en souriant vers Bon-Affût.

— Vous n’en êtes pas moins le bienvenu avec le secours que vous m’amenez, mon ami, lui dit-il à voix basse ; ce secours me devient en ce moment, sinon indispensable, du moins fort nécessaire, la volonté seule me maintient à cheval dans la position où je suis.

— Il faut vous hâter de retourner au camp, et de crainte d’accident, vous étendre sur un brancard.

— Un brancard ! se récria don Miguel.

— Il le faut, croyez-moi ; il est urgent que vous repreniez, dans le plus bref délai, le commandement de votre cuadrilla, n’usez donc pas vos forces dans d’inutiles bravades.

Don Miguel s’inclina sans répondre, il avait compris la portée de l’argument du chasseur ; lui-même, après être descendu de cheval avec le secours des deux Canadiens, donna l’ordre à ses compagnons de construire le brancard qui devait servir à le transporter.

Bon-Affût, passant son bras sous celui du jeune homme et faisant signe à Balle-Franche de les suivre, s’écarta de quelques pas de la troupe, et, faisant asseoir sur l’herbe l’aventurier :

— Maintenant que vous êtes en état de me répondre, profitons du temps pendant lequel on confectionne le brancard, pour causer ; vous avez beaucoup de choses à m’apprendre.

Le jeune homme soupira.

— Interrogez, répondit-il.