Page:Aimard - L’Éclaireur, 1860.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
L’ÉCLAIREUR.

la main, vous êtes réellement mon ami, vos rudes paroles me le prouvent ; oui, je suis un fou, mais que voulez-vous, je me trouve dans une position étrange, où toute heure que je perds peut amener pour moi et pour d’autres personnes des périls extrêmes, j’ai peur de succomber avant d’avoir accompli la tâche que le malheur m’a imposée.

— Vous succomberez bien plus vite, si vous ne voulez pas être raisonnable, quatre ou cinq jours sont bientôt passés, et puis, ce que vous ne pourrez pas accomplir, vos amis l’accompliront,

— C’est vrai, vous me faites rougir de moi-même ; non-seulement je suis un fou, mais encore je suis un ingrat.

— Allons ne parlons plus de cela ; le bruit se rapproche, il est probable que ce sont vos compagnons ; cependant il serait possible que ce fussent des ennemis, dans le désert on doit s’attendre à tout ; entrons dans ce fourré où nous demeurerons parfaitement invisibles aux regards des arrivants, si c’est Bon-Affût, nous nous montrerons, sinon nous nous tiendrons cois.

Don Miguel approuva chaleureusement ce conseil, il comprenait qu’en cas de lutte, il ne serait que d’un piètre secours à son compagnon dans l’état où il se trouvait.

Les deux hommes disparurent dans le fourré qui se referma sur eux, et ils attendirent, le pistolet au poing, l’arrivée des gens dont le galop des chevaux croissait de minute en minute.

Balle-Franche ne s’était pas trompé, c’était effectivement Bon-Affût qui revenait avec une quinzaine de gambucinos. Lorsqu’ils ne furent plus qu’à quelques pas d’eux, les deux hommes se montrèrent.

Bon-Affût ne pouvait en croire ses yeux, il ne comprenait pas comment cet homme, qu’il avait laissé privé de connaissance, étendu sur la terre comme un corps inerte et