suite afin de pourvoir à vos besoins, je redoute de vous en donner.
Don Estevan était assis auprès du chasseur : il jouait d’un air nonchalant avec le pistolet déchargé, semblant écouter fort attentivement ce que lui disait Balle-Franche.
— Pourquoi donc ? répondit-il.
— Eh ! mais, pour une raison bien simple : je vous connais de longue date, vous ne l’ignorez pas don Estevan ; je sais que vous n’êtes pas un homme à oublier une injure : je suis convaincu que si je vous rends vos armes, vous ne penserez plus qu’à la vengeance, voilà ce que je veux éviter.
— Et pour cela, s’écria le Mexicain avec un rire strident, vous ne voyez qu’un moyen, c’est de me laisser mourir de faim. Oh ! oh ! singulière philanthropie que la vôtre ! compañero ; vous avez une façon d’arranger les choses un peu bien brutale, pour un homme qui se pique d’honneur et de loyauté.
— Vous ne me comprenez pas, je ne veux pas vous donner des armes, il est vrai ; mais je ne veux pas non plus laisser incomplet le service que je vous ai rendu.
— Hum ! et comment ferez-vous pour obtenir ce résultat ? Je suis curieux de le savoir, fit don Estevan en ricanant.
— Je vous escorterai jusqu’aux frontières de la Prairie, vous gardant de tout danger pendant le voyage, vous défendant et chassant pour vous ; cela est simple, je crois.
— Fort simple, en effet. Et, arrivé là-bas, moi j’achète des armes, et je reviens chercher ma vengeance.
— Non pas ?
— Comment cela !
— Parce que vous allez me jurer à l’instant, sur votre honneur, d’oublier tout sentiment de haine envers vos ennemis et de ne jamais rentrer dans la Prairie.