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L’ÉCLAIREUR.

À une centaine de mètres de la clairière environ, ils entendirent le bruit d’un coup de feu.

L’Aigle-Volant s’arrêta.

— Ooah ! murmura-t-il, que se passe-t-il donc ? me serais-je trompé ?

Mettant immédiatement pied à terre, il donna son cheval à garder à sa femme, en lui ordonnant de le suivre à distance ; et se glissant parmi les herbes, il s’avança en toute hâte vers la clairière, inquiet de ce coup de feu qu’il ne savait à quoi attribuer, car l’idée ne lui vint pas un seul instant que ce fût don Estevan qui l’eût tiré dans l’intention de se tuer ; le chef était convaincu qu’un homme de ce caractère n’abandonnait jamais une partie, quelque désespérée qu’elle fût. Son appréciation n’était pas complètement fausse.

Persuadé de ce que nous avons dit plus haut, l’Aigle-Volant, redoutant un malheur dont il semblait avoir prévu la possibilité, se hâtait donc de gagner la clairière, afin d’éclaircir ses doutes, et tremblant de les voir se changer en certitude.

Arrivé sur la lisière de la clairière, il s’arrêta, écarta les branches avec précaution, et regarda. Les ténèbres étaient tellement épaisses, qu’il ne put rien distinguer ; un silence funèbre régnait sur cette partie de la forêt. Soudain les buissons s’écartèrent, un homme, ou plutôt un démon, bondit comme un chacal, passa auprès de lui avec une vélocité extrême, et se perdit bientôt dans l’obscurité.

Un triste pressentiment serra le cœur du peau-rouge ; il fit un mouvement pour se lancer à la poursuite de l’inconnu ; mais se ravisant presqu’aussitôt.

— Voyons ici d’abord, murmura-t-il ; cet homme je suis certain de le retrouver quand je le voudrai.

Il entra dans la clairière. Les feux abandonnés ne jetaient plus aucune lueur, tout était ombre et silence.