L’Indien tressaillit ; il fixa un regard perçant sur son interlocuteur.
— Du côté du soleil, dit-il, comme se parlant à lui-même.
— Oui, reprit Bon-Affût, dans les prairies toujours vertes du pays d’Acatlan[1], sur les bords de la belle rivière d’Atonatiuh[2].
Un frémissement soudain agita le corps du chef ; Bon-Affût était impassible, indifférent en apparence, bien qu’il suivît attentivement les diverses émotions qui malgré le masque que le chef cherchait à plaquer sur son visage, contractaient ses traits.
— Mon frère a tort, répondit-il au bout d’un instant.
— Pourquoi donc ?
— Mon frère ignore que la terre dont il parle est sacrée ; jamais le pied d’un blanc ne l’a impunément foulée.
— Je le sais, répondit négligemment le chasseur.
— Mon frère le sait, et il persiste à s’y rendre ?
— Oui.
Il y eut entre les deux hommes un silence de quelques minutes ; l’Indien aspirait précipitamment la fumée de son calumet, en proie à une émotion qu’il ne pouvait maîtriser. Enfin il reprit la parole :
— Chacun a sa destinée, dit-il de ce ton sentencieux particulier aux Indiens : mon frère attache sans doute une grande importance à ce voyage.
— Une immense ; je me rends sur cette terre, bien que je connaisse parfaitement les périls qui m’y attendent, pour des intérêts d’une grande importance, et poussé par une volonté plus forte que la mienne.
— Bon ! je ne demande pas les secrets de mon frère : le