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L’ÉCLAIREUR.

de joie et de triomphe. Les aventuriers gardèrent le silence, mais ils redoublèrent d’efforts et continuèrent à avancer.

Un sourire railleur passa sur les lèvres du chasseur canadien.

Au fur et à mesure que sa pirogue s’approchait de celle des Apaches, il avait reconnu que la rive gauche de la rivière s’échancrait, et il venait de s’apercevoir que cette échancrure était formée par une île assez rapprochée de la terre, mais laissant encore un passage suffisant pour son embarcation, qui évitait ainsi un détour et lui faisait gagner du terrain sur les ennemis qui le poursuivaient.

L’affaire capitale était d’atteindre la pointe de l’île avant les Indiens de la première pirogue.

Ceux-ci avaient fini, sinon par deviner complètement, du moins par se douter de l’intention de leur intrépide adversaire ; aussi avaient-ils, de leur côté, changé de tactique et modifié leur manœuvre. Au lieu de marcher à l’encontre des blancs, comme ils avaient fait jusqu’à ce moment, ils avaient brusquement viré de bord et pagayaient vigoureusement dans la direction de l’île.

Bon-Affût comprit qu’il fallait à tout prix retarder leur marche.

Jusqu’alors pas une flèche, pas un coup de feu n’avait été échangé de part ni d’autre ; les Apaches étaient si persuadés qu’ils réussiraient à s’emparer des aventuriers, qu’ils avaient jugé inutile d’en venir à cette extrémité.

Les blancs, de leur côté, qui sentaient la nécessité d’économiser leur poudre dans un pays ennemi où il leur serait impossible de renouveler leur provision, les avaient jusque-là imités par prudence, quelque désir qu’ils eussent d’en venir aux mains.

Cependant la pirogue indienne n’était plus qu’à une cinquantaine de mètres de l’île ; le chasseur, après avoir jeté