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L’ÉCLAIREUR.

— Oui, ajouta Balle-Franche, mille fois le bienvenu ! bien que sa présence ait lieu de nous surprendre.

Le chef s’inclina et prit place entre les deux blancs.

— Comment se fait-il que nous vous rencontrions ici ? demanda le chasseur.

— La question que m’adresse mon frère en ce moment est celle que je me préparais à lui faire moi-même.

— Comment cela ? fit don Miguel.

— Mon frère le guerrier pâle ne sait-il pas où il se trouve en ce moment ?

— D’aucune façon ; depuis notre séparation, nous avons toujours suivi la piste de notre ennemi sans pouvoir jamais l’atteindre : cette piste nous a conduits dans des parages inconnus à Balle-Franche lui-même.

— Je dois l’avouer, voici la seconde fois que pareille chose m’arrive, et cela dans des circonstances identiques ; la première, je me rappelle que c’était en 1843, j’étais alors au…

— Mais, interrompit sans façon l’Aigle-Volant, si le chasseur ne connaît pas ces régions, mon frère le guerrier les connaît, lui.

— Moi ? fit don Leo, pas le moins du monde, chef ; voici, je vous le certifie, la première fois que je viens de ce côté.

— Mon frère se trompe, il y est venu déjà ; seulement, de même que tous les visages pâles, la mémoire de mon frère est courte, il a oublié.

— Non, chef ; j’ai trop l’habitude du désert pour ne pas reconnaître du premier coup d’œil un endroit quel qu’il soit où je serais déjà venu.

L’Indien sourit de cette prétention si mal justifiée.

— C’est pourtant ce qui arrive aujourd’hui à mon frère, dit-il, bien que trois lunes tout au plus se soient écoulées