Page:Aimard - L’Éclaireur, 1860.djvu/342

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
332
L’ÉCLAIREUR.

eu le temps d’agir. Il s’agissait donc de les devancer et d’enlever les jeunes filles avant qu’ils n’eussent les moyens de s’y opposer.

Mais, pour enlever les jeunes filles, il fallait s’introduire dans la ville, et là gisait la difficulté.

Difficulté qui, au premier abord, semblait insurmontable.

Dans ce moment de détresse, tous les yeux se tournèrent vers l’Aigle-Volant. Le chef souriait.

À l’expression d’angoisse peinte sur toutes les physionomies, l’Indien devina ce qu’on attendait de lui.

— L’heure est arrivée, dit-il ; mes frères pâles exigent de moi le plus grand sacrifice qu’ils puissent demander à un sachem, c’est-à-dire de leur ouvrir les portes de l’un des derniers refuges de la religion indienne, du principal sanctuaire où se conserve encore intacte la loi de Ilhuicamina[1], le plus grand, le plus puissant et le plus malheureux de tous les souverains qui ont gouverné le pays d’Hanahuac[2] ; cependant, afin de prouver à mes frères pâles combien mon sang coule rouge dans mes veines et combien mon cœur est pur et sans nuage, pour eux je le ferai, ainsi que je l’ai promis.

À cette assurance donnée par l’Aigle-Volant, dont la parole ne pouvait être révoquée en doute, tous les visages s’éclaircirent.

Le chef continua :

— L’Aigle-Volant n’a pas la langue fourchue ; ce qu’il dit, il te fait ; il introduira le grand chasseur pâle dans Quiepaa-Tani ; seulement, mes frères doivent oublier qu’ils sont guerriers et braves ; la ruse seule peut les faire triompher. Le grand chasseur des visages pâles a-t-il compris

  1. Surnom de Moctecuhzoma Ier : qui lance de flèches jusqu’au ciel. De ilhuicatl, ciel, et mitl, flèche. L’hiéroglyphe de ce roi est en effet une flèche qui frappe le ciel.
  2. Mexique.