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L’ÉCLAIREUR.

de fortes murailles, ceinte d’un large fossé et renfermant dans son sein trois mille hommes d’élite, les guerriers les plus renommés de toutes les nations indiennes, spécialement chargés de défendre la ville sainte et qui sans hésiter se feraient tuer jusqu’au dernier avant de se rendre ?

Une telle supposition ne tombait pas sous le sens ; elle était tellement folle que don Estevan ne s’y arrêta pas une minute.

Le premier soin des chefs indiens fut de chercher à savoir dans quelle direction se trouvaient leurs ennemis. Malheureusement pour les Peaux-Rouges, les dispositions prises par les chasseurs étaient si adroites, qu’ils furent contraints malgré eux de suivre leurs ennemis sur trois pistes différentes et de scinder leur détachement en trois corps, afin de surveiller les gambucinos de tous les côtés.

Dans cette circonstance se présenta la première difficulté entre les trois associés.

Addick et le Loup-Rouge, lorsqu’il s’agit de diviser leurs forces, voulurent naturellement prendre chacun le commandement d’un corps séparé, combinaison qui déplut tout d’abord à don Estevan et à laquelle il se refusa péremptoirement d’acquiescer, en leur faisant observer, avec une sorte de justice, que, dans l’affaire dont il s’agissait, tout dépendait des chefs ; que les guerriers n’avaient autre chose à faire que de surveiller les mouvements de leurs ennemis, tandis qu’eux, chefs de l’expédition, ils devaient rester réunis, afin de bien combiner les modifications à apporter à leur plan de campagne et pouvoir agir avec vigueur s’il se présentait une occasion favorable.

La vérité était que don Estevan, forcé par les circonstances à s’allier avec les deux sachems, n’avait pas la moindre confiance dans ses honorables associés ; il les méprisait autant qu’il en était méprisé lui-même, et croyait être certain que, s’il les laissait se séparer de lui sous n’im-