comprit qu’il fallait brusquer le dénoûment de la scène qui se préparait ; il se tourna vers son guide :
— Le Wacondah est puissant, dit-il d’une voix imposante ; l’Ayotl — la tortue — sacrée supporte le monde sur son écaille ; son esprit est en moi, il m’inspire ; je dois rester seul avec les malades, afin de lire sur leur visage la nature du mal qui les tourmente.
Le grand-prêtre hésita ; il lança au soi-disant médecin un regard qui semblait vouloir lire ses plus secrètes pensées au fond de son cœur ; mais, bien qu’habitué depuis de longues années à abuser ses compatriotes avec ses jongleries mystiques, cependant il était Indien, et en cette qualité aussi accessible que ceux qu’il trompait aux craintes superstitieuses : il hésita.
— Je suis amantzin, dit-il avec un accent respectueux ; le Wacondah ne peut voir qu’avec satisfaction ma présence ici en ce moment.
— Que mon père demeure si tel est son plaisir ; je ne puis l’obliger à se retirer, répondit résolument le Canadien qui, coûte que coûte, voulait en finir ; maintenant je l’avertis que je ne réponds nullement des conséquences terribles que causera sa désobéissance ; l’esprit qui me possède est jaloux, il veut être obéi : que mon père réfléchisse.
Le grand-prêtre courba humblement la tête.
— Je me retire, dit-il ; que mon frère me pardonne mon insistance.
Et il sortit de la salle.
Le Canadien l’accompagna silencieusement jusqu’à la porte du vestibule, la referma soigneusement derrière lui, puis il courut vers les jeunes filles.
Celles-ci se reculèrent avec épouvante.
— Ne craignez rien, leur dit-il d’une voix entrecoupée, je suis un ami.