Tout à coup une ombre se détacha d’un pilier, fit un bond de tigre, et le chasseur saisi à la gorge par une main inconnue roula sur le sol avant d’avoir pu jeter un cri ; un pied s’appuya lourdement sur sa poitrine, et, comme à travers un nuage, il entrevit une face hideuse qui ricanait en le regardant. Bon-Affût était seul, abandonné, sans secours ; c’en était fait de lui, rien ne pouvait le sauver ; il poussa un soupir étouffé et ferma les yeux, résigné au sort qui l’attendait. Mais, au moment où il croyait recevoir le coup mortel, il sentit la main qui lui serrait la gorge se desserrer, et une voix railleuse lui dit :
— Relève-toi, puissant tlacateotzin ; je voulais seulement te prouver que tu étais en ma puissance.
Le chasseur se releva tout contusionné et tout troublé encore de cette brusque attaque. L’autre continua :
— Que donnerais-tu pour échapper au péril qui te menace et pour être libre de regagner paisiblement le calli de ton hôte Atoyac ?
Mais Bon-Affût avait eu le temps de se remettre de cette chaude alerte ; il avait ressaisi ses pistolets, toute crainte avait fui de son cœur, il n’avait à se défendre que contre un ennemi ; cet ennemi après l’avoir un instant tenu abattu sous ses pieds, commettait la faute de lui rendre la liberté de ses mouvements : la position entre eux était subitement devenue égale.
— Je ne vous donnerai rien, Loup-Rouge, répondit-il résolûment ; pourquoi ne m’avez-vous pas tué lorsque j’étais-là, étendu à terre, sans défense ?
Le chef indien, car c’était lui, recula avec étonnement en se voyant si facilement reconnu.
— Pourquoi je ne t’ai pas tué, chien ? répondit-il, parce que j’ai eu pitié de toi.
— Parce que tu as eu peur, sachem ! reprit fermement