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L’ÉCLAIREUR.

prise. Don Miguel et Bon-Affût accoururent avec empressement.

Un spectacle hideux s’offrit alors à la vue des trois hommes. Au fond d’une douve qui bordait la route, un monceau de cadavres espagnols gisaient pêle-mêle, horriblement défigurés et privés de leur chevelure.

Don Miguel ordonna de faire halte, ne sachant s’il devait avancer ou reculer. Il était permis d’hésiter dans une semblable occurrence. Pousser jusqu’au présidio, peut-être était-il désert, peut-être même les Peaux-Rouges s’en étaient-ils rendus maîtres. Cependant une détermination, quelle qu’elle fût, devait être prise sur l’heure. Don Miguel à force d’interroger l’horizon, aperçut à environ deux lieues, sur la droite, une hacienda en ruines. Bien que précaire, il valait mieux se réfugier dans cet abri que de camper en plaine. Les aventuriers piquèrent des deux, vingt minutes plus tard, ils arrivèrent à la ferme.

L’hacienda portait les traces du feu et de la dévastation ; les murs lézardés étaient noircis par la fumée, les fenêtres et les portes brisées, au milieu des décombres, plusieurs cadavres d’hommes et de femmes à demi consumés étaient entassés çà et là dans les patios. Don Miguel conduisit les jeunes filles toutes tremblantes dans une chambre que l’on débarrassa des débris qui en obstruaient l’entrée ; puis, après leur avoir recommandé de ne pas en sortir, il rejoignit ses compagnons, qui, sous la direction de Balle-Franche, s’installaient tant bien que mal dans l’hacienda. Bon-Affût était parti à la découverte avec Ruperto. Don Mariano, excité par l’amour paternel, s’était improvisé ingénieur ; aidé par une dizaine d’aventuriers, il s’occupait à fortifier la maison du mieux qu’il lui était possible.

Comme toutes les haciendas mexicaines de la frontière, celle-ci était entourée d’une haute muraille crénelée. Don Miguel fit boucher la porte ; puis, rentrant dans la