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L’ÉCLAIREUR.

mais nous avons encore le temps de nous préparer à les recevoir ; ils ne seront pas ici avant une heure.

En effet, une heure environ se passa dans une horrible anxiété.

Soudain la tête hideuse d’un Apache parut au-dessus de la porte et jeta un regard féroce dans le patio.

— On ne se fait pas une idée comme ces Indiens sont effrontés, dit Bon-Affût en ricanant ; et levant sa hache, le corps de l’Apache retomba au dehors, tandis que sa tête roulait en grinçant des dents jusqu’aux pieds de don Miguel.

Plusieurs tentatives du même genre opérées sur divers points de l’enceinte furent repoussées avec un égal succès. Alors les Apaches, qui se flattaient de surprendre les blancs endormis, se voyant au contraire si mal reçus, poussèrent leur cri de guerre, et, se levant en tumulte du sol sur lequel ils avaient rampé jusqu’alors, ils se précipitèrent en bondissant contre le mur qu’ils cherchèrent à escalader de tous les côtés à la fois.

Une ceinture de flamme ceignit alors l’hacienda, et une grêle de balle les atteignit. Beaucoup tombèrent, sans que l’élan des assaillants fût ralenti. Une nouvelle décharge faite à bout portant fut impuissante à les repousser, bien qu’elle leur causa des pertes énormes. Bientôt les assaillants et les assaillis luttèrent corps à corps. Ce fut une mêlée atroce, un carnage horrible, où l’on ne lâchait prise que pour mourir, où le vaincu, entraînant souvent le vainqueur dans sa chute, l’étranglait dans une dernière convulsion. Pendant plus d’une demi-heure il fut impossible de se reconnaître ; les coups de feu, les coups de lances, les flèches et les coups de machètes se froissaient et s’entrechoquaient avec une rapidité qui tenait du prodige. Enfin les Apaches reculèrent. Le mur n’avait pas été franchi. Mais la trêve fut courte. Les Peaux-Rouges revinrent presque immédiatement à la charge, et la lutte