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L’ÉCLAIREUR.

Don Torribio étouffa une imprécation de colère.

— Oh ! murmura-t-il.

— Le cercueil qui devant tous a été ce matin descendu dans les caveaux, continua doña Luisa, contenait en effet le corps de cette pauvre Laura, il était impossible de faire autrement à cause de la coutume qui exige que les morts soient ensevelis dans leurs habits et à visage découvert ; mais aussitôt que la foule se fut écoulée, que les portes de l’église se furent refermées sur l’assistance, la supérieure ordonna de relever la pierre des caveaux qui n’étaient pas encore assujettie, elle fit remonter et transporter le corps dans l'in-pace le plus profond du couvent. Mais nous voici arrivés, dit-elle en s’arrêtant et en désignant une large pierre posée à plat sur le sol de la salle dans laquelle ils se trouvaient.

Cette scène avait quelque chose de lugubre et de saisissant ; dans cette salle nue, ces hommes masqués groupés autour de cette jeune fille vêtue de blanc, éclairés seulement par les reflets sanglants des torches qu’ils agitaient, ressemblaient à s’y méprendre à ces mystérieux francs juges qui aux anciens jours s’assemblaient dans les ruines pour juger les rois et les empereurs.

— Soulevez cette pierre, dit don Torribio d’une voix creuse.

Après quelques efforts la pierre fut enlevée ouvrant un gouffre sombre d’où s’exhala une bouffée d’air chaud et fétide. Don Torribio prit une torche et se pencha sur l’ouverture.

— Mais, fit-il au bout d’un instant, ce caveau est désert.

— Oui, répondit simplement doña Luisa, celle que vous cherchez est plus bas.

— Comment plus bas ! s’écria-t-il avec un mouvement d’effroi dont il ne fut pas le maître.