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LA FIÈVRE D’OR.

— À moi ?

— Oui ; quelle autre préoccupation puis-je avoir à présent que celle de te voir heureux ?

Le comte baissa les yeux et soupira.

— C’est impossible, dit-il.

Valentin le regarda.

— Impossible ! répéta-t-il ; oh ! oh ! en sommes-nous donc là ? Voyons, expliquons-nous une fois pour toutes.

— Tu as raison, l’heure est venue ; expliquons-nous cœur à cœur.

Le comte attira à lui une butacca, s’assit en face de Valentin, prit un cigare dans l’étui que son frère de lait lui avait tendu, et l’alluma.

Le chasseur suivait tous ses mouvements avec attention ; lorsqu’il le vit commodément installée :

— Parle, lui dit-il.

— Hélas ! ma vie n’a rien de bien intéressant : elle a été semblable à celle de tous les aventuriers ; tantôt riche, tantôt pauvre, j’ai erré de tous les côtés, parcourant le Mexique dans tous les sens en traînant constamment après moi, comme la chaîne du forçat, le souvenir de mon bonheur perdu. Un instant j’ai cru que l’avenir pouvait encore exister, qu’il me serait possible de me refaire, sinon une position semblable à celle que j’avais perdue, du moins reconquérir mon rang dans le monde. Je partis pour San-Francisco, cet Eldorado fantastique dont les cent bouches de la renommée racontaient des merveilles. Là je me trouvai mêlé à une foule d’aventuriers avides et sans frein, dont la vie n’était qu’une orgie continuelle et l’or la seule passion. Je vis là en quelques mois les métamorphoses les plus