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Page:Aimard - La Fièvre d’or, 1860.djvu/126

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LA FIÈVRE D’OR.

— Moi ?

— Oui, vous.

— Oh !

Il y a trois ans de cela. À cette époque je n’étais qu’une enfant, j’avais quatorze ans à peine ; il n’y a donc rien d’extraordinaire à ce que vous m’ayez oubliée. À cette époque vous chantiez votre inévitable romance du roi Rodrigo, dont je ne dirai pas de mal, au reste, ajouta-t-elle avec un sourire enchanteur, puisque c’est à ce chant que j’ai pu vous reconnaître. Mon père, maintenant gouverneur et chef politique de l’État de Sonora, n’était encore que colonel.

L’Espagnol se frappa le front.

— Je me souviens, s’écria-t-il, vous vous rendiez de Guanajuato au Tepic, lorsqu’au milieu de la nuit j’eus le bonheur de vous rencontrer.

— Oui.

— C’est cela ; votre père se nomme don Sébastian Guerrero, et vous…

— Et moi ? fit-elle avec une petite moue interrogatrice.

— Vous, señorita, répondit-il galamment, vous êtes doña Angela[1] ; quel autre nom pourriez-vous porter ?

— Allons ! s’écria-t-elle en frappant ses mignonnes mains l’une contre l’autre en riant, je vois avec plaisir que vous avez plus de mémoire que je ne le croyais.

— Oh ! murmura-t-il avec reproche.

— Il nous arriva, je crois, avec des bandits,

  1. Angel, en espagnol, vent dire ange ; angela en est le féminin.