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Page:Aimard - La Fièvre d’or, 1860.djvu/147

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LA FIÈVRE D’OR.

— À votre aise, capitaine, je ne veux vous déplaire en rien.

— Nous verrons cela tout à l’heure, cuerpo de Dios, et d’abord, pour parler franchement, je te dirai, muchacho, que ce n’était pas toi que j’avais l’intention de voir, mais bien ton digne père, mon brave général, voto a brios ! La nouvelle de sa mort m’a tout interloqué, et je n’en suis pas encore complétement remis.

— Je vous suis reconnaissant, capitaine, du bon souvenir que vous avez gardé à mon honoré père.

Capa de Cristo ! fit le capitaine, qui, entre autres habitudes plus ou moins bonnes, possédait à un suprême degré celle d’assaisonner chacune de ses phrases d’un juron souvent peu orthodoxe, si j’ai gardé un bon souvenir de l’homme auprès duquel j’ai combattu dix ans et auquel je dois d’être ce que je suis ! oui, j’en ai gardé un bon souvenir, et j’espère, canarios ! le prouver bientôt à son fils.

— Je vous remercie, capitaine, bien que je n’entrevoie pas de quelle façon vous pourrez me donner cette preuve.

— Bon ! bon ! répondit-il en mordillant sa moustache, je m’entends, moi, cela suffit. Chaque chose viendra en son temps.

— À votre aise, mon vieil ami ; dans tous les cas, vous voudrez bien vous souvenir que vous êtes ici chez vous, et que plus vous y demeurerez, plus vous me ferez plaisir.

— Bien, muchacho, j’attendais cette parole. J’userai de cette hospitalité si gracieusement offerte, sans cependant en abuser.

— Un ancien compagnon d’armes de mon père