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Page:Aimard - La Fièvre d’or, 1860.djvu/148

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LA FIÈVRE D’OR.

ne doit pas craindre d’abuser dans sa maison, capitaine, et vous moins que tout autre. Mais, ajouta-t-il en voyant entrer un peon, voici un domestique qui nous vient annoncer que le dîner est servi. Je vous avoue que j’ai chassé toute la journée et que je meurs à peu près de faim ; si vous me voulez suivre, nous allons nous mettre à table et renouveler connaissance le verre en main.

— Je ne demande pas mieux, rayo de Dios ! fit le capitaine en se levant ; je n’ai pas chassé, moi, mais, malgré cela, je crois que je ferai honneur au repas.

Et, sans plus de discours, ils passèrent dans la salle à manger, où les attendait une table somptueusement et abondamment servie.

Selon une ancienne coutume patriarcale, qui malheureusement, comme toutes les bonnes choses, commence à disparaître, au Palmar, le maître et les serviteurs prenaient ensemble leurs repas. Cette coutume, suivie de père en fils depuis la conquête par la famille de don Sebastian, avait été continuée par lui, d’abord par respect pour la mémoire de son père, puis parce que les domestiques de l’hacienda étaient de vieux serviteurs dévoués à leur maître, et qui remplaçaient pour ainsi dire pour lui la famille qui lui manquait.

La soirée se passa sans incident digne de remarque, en causeries de guerre et de chasse.

Le capitaine don Isidro Vargas était un vieux routier rusé comme un moine. Trop fin pour attaquer de front les idées du jeune homme, il résolut de l’étudier pendant quelque temps, afin de reconnaître les côtés faibles de son caractère et de voir com-