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Page:Aimard - La Fièvre d’or, 1860.djvu/159

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LA FIÈVRE D’OR.

Si jamais pays eût pu facilement se passer d’une armée, certes ce pays était le Mexique, après la reconnaissance de sa liberté et l’expulsion complète des Espagnols, à cause de son isolement au milieu de peuples pacifiques et de la sûreté de ses frontières, que nul ennemi ne menaçait.

Malheureusement la guerre de l’indépendance avait duré dix ans. Pendant ce long laps de temps, la population paisible et douce de cette contrée, tenue en tutelle par ses oppresseurs, s’était transformée : une ardeur belliqueuse s’était emparée de toutes les classes de la société, et une espèce de fièvre guerrière avait allumé dans tous les cerveaux l’amour des armes.

Aussi il arriva naturellement ce à quoi les esprits sensés devaient s’attendre : c’est-à-dire que lorsque l’armée ne trouva plus devant elle d’ennemis à combattre, elle tourna ses armes contre ses propres concitoyens, les vexant et les tyrannisant à plaisir.

Le gouvernement, au lieu de licencier cette armée turbulente, ou tout au moins de la réduire à des proportions minimes, en ne conservant que les cadres des différents corps, jugea beaucoup plus avantageux pour lui de s’appuyer sur elle et d’organiser une oligarchie militaire pesant d’un poids intolérable sur le pays, système déplorable, qui a plongé cette malheureuse contrée dans les désastreuses complications au milieu desquelles elle se débat vainement, et a creusé l’abîme où tôt ou tard s’engloutira sa nationalité.

L’armée prit donc après la guerre une influence qu’elle a toujours conservée depuis, et qui n’a fait que s’accroître au fur et à mesure que les hommes