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LA FIÈVRE D’OR.

— Je le désire, ma fille.

— Ne prenez pas cet air sévère pour une niaiserie sans conséquence, mon père, ou je croirai que vous êtes fâché contre moi ; puis elle ajouta en riant : je me souviens que notre famille descend en ligne directe de ce roi de Mexico Chimalpopocatzin, qui, ainsi que son nom l’indique, avait pour hiéroglyphe un bouclier d’où il sort de la fumée. Vous le voyez, mon père, notre caractère n’a pas dégénéré depuis ce valeureux roi, et nous sommes toujours demeurés aussi fermes qu’il l’était lui-même.

— Allons ! allons ! reprit le colonel d’un ton de bonne humeur, je renonce à vous gronder davantage, car je m’aperçois que ce serait une peine perdue.

La jeune fille sourit malicieusement et se préparait à répondre, lorsqu’une étincelle brilla tout à coup et s’éteignit à quelque distance en avant de la cavalcade.

— Qu’est cela ? demanda le colonel en haussant la voix ; y a-t-il donc quelqu’un sur la route ?

— Je le crois, colonel, répondit aussitôt un des domestiques, car cette étincelle me semble produite par la pierre d’un mechero.

— C’est aussi mon avis, reprit le colonel ; pressons le pas, afin de reconnaître ce fumeur attardé.

La petite troupe, qui jusqu’à ce moment avait marché assez lentement, prit alors un trot allongé.

Au bout d’un quart d’heure environ, en même temps que le bruit des sabots d’un cheval arrivaient jusqu’aux voyageurs, ils entendirent les sons aigres et discordants d’une jarana (guitare) ; et, porté sur l’aile de la brise le refrain de cette chanson, bien connue au Mexique, frappa leurs oreilles :